Le GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), ce sont 800 scientifiques du monde entier qui, depuis plus de 30 ans, ont pour mission d’offrir régulièrement une synthèse des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes et ses impacts. Ses rapports fournissent un état des lieux mais ils étudient aussi les scénarios futurs et les possibilités pour limiter l’ampleur du réchauffement et la gravité de ses impacts, voire pour s’adapter aux changements. Le GIEC n’est pas prescriptif, il évalue et fournit une synthèse, aussi utile à la société civile qu’aux décideurs politiques.
Le 6e rapport du GIEC a été publié en 2023… mais il fait plus de 4000 pages (ça fait 3 fois l’intégrale du Seigneur des Anneaux) donc le GIEC publie également une synthèse, qui ne fait plus qu’une centaine de pages, ainsi qu’un résumé pour les décideurs d’une trentaine de pages… et un autre résumé pour le grand public d’une quinzaine de pages. Bref, ils font tout pour permettre à tout à chacun de se tenir au courant et de pouvoir prendre conscience de l’état de la science et de participer au débat.
Le vrai challenge n’est plus de prouver l’impact des activités humaines sur notre environnement… mais bien de transmettre le savoir accumulé depuis des décennies par les scientifiques pour que les citoyens s’en emparent.
Horizons climatiques est une bande dessinée (qui fait quand même, elle, 320 pages) qui se propose d’à la fois expliquer le GIEC et, par là-même, de faire acte de pédagogie quant à ce qu’il nous apprend. Elle s’adresse autant aux néophytes du climat qu’aux personnes ayant déjà pris conscience du problème, voire étant déjà dans l’action. Pour cela, nous allons suivre les pérégrinations d’Iris, une jeune chercheuse, et de Xavier, son voisin de palier, dessinateur et vendeur de glace. Nos deux héros vont rencontrer neufs scientifiques impliqués dans les différents travaux du GIEC. Xavier, notre candide va suivre, comme c’est courant, une « courbe du deuil » :
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Regarder vers le passé
- Le choc : « Le réchauffement climatique est réel, et les activités humaines en sont 100% responsables ». C’est le chapitre 1 où nos 2 héros vont rencontrer Valérie Masson-Delmotte qui leurs expliquera ce qu’est le GIEC, mais aussi le chapitre 2 où Christophe Cassou leurs permettra de mieux comprendre ce qu’est le climat et, enfin, le chapitre 3 où Roland Séférian reviendra sur les origines du changement climatique et sur les 5 scénarios futurs étudiés par le GIEC.
- Le déni : « Ce n’est pas possible, ce n’est pas réel ». Devant l’énormité de la révolution, Xavier choisi la pilule bleue, mais Iris ne l’entends pas de cette oreille et décide de lui montrer qu’il n’est pas trop tard pour éviter le pire.
- La colère : « Pourquoi on ne parle pas plus de tout ça ? » Hervé Douville va leurs expliquer le cycle de l’eau et ses dérèglements liés au changement climatique… ce qui fera passer Xavier du déni à la colère.
- La négociation : Xavier poursuit ses recherches et découvre notamment le concept des 9 limites planétaires (dont on en a déjà dépassé 6). Il a besoin d’entendre qu’il reste de l’espoir et décide d’amener Iris rencontrer Wolfgang Cramer qui reviendra sur les liens avec la crise de la biodiversité, puis Virginie Duvat qui leurs montrera quelles sont les stratégies à adopter pour s’adapter et atténuer le désastre climatique.
- La dépression : « C’est foutu, à qui bon ? ». Iris est inquiète car, confronté au désastre qui vient, Xavier perds espoir. Iris va, cette fois ci, l’amener rencontrer Céline Guilvarch pour découvrir les solutions de justices sociale et économique.
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Regarder vers le futur
- L’acceptation : « Puisque nous sommes 100% responsables des changements climatiques… alors, nous sommes 100% de la solution ! ». Fini les dissonances, passons à l’action !
- L’expérimentation : Xavier et Iris se rendent à l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), un institut qui a pour mission de faire le lien entre scientifiques et décideurs politiques. Ils vont y rencontrer Henri Waisman qui revient sur le résumé pour les décideurs du GIEC et sur les propositions d’actions aux États pour s’engager dans la transition en prenant compte des spécificités, et des inégalités, sectorielles ou régionales.
- La décision : « L’avenir dépends de ce que nous faisons ». Xavier propose à Iris d’écrire une BD sur le climat, qui permettrait de construire un récit positif sur leur cheminement. Ils vont rencontrer un dernier scientifique, Jean Jouzel, connu pour ses talents de vulgarisation, qui va les aider à faire la synthèse sur l’apport du GIEC au débat, en insistant sur le fait que son rôle n’est pas prescriptif et que c’est à nous de s’emparer de ces connaissances pour trouver des solutions et agir.
- L’intégration de la transition écologique… c’est nous, puisque nous lisons cette bande dessinée !
L’avenir ne dépends pas du GIEC lui-même, mais de ce que nous faisons collectivement des résultats qu’il met en évidence.
Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé cette lecture (c’est rare que je prenne le temps d’écrire un billet sur une BD). L’approche retenue permet d’humaniser ces problématiques complexes à tous niveaux. Cela permet de s’identifier non seulement au cheminement de Xavier mais aussi de comprendre la frustration que peuvent ressentir des chercheurs qui, depuis plus de 30 ans, alertent sur l’urgence climatique mais font face à l’inaction des politiques et à un large désintérêt de la majeure partie de la population.
1% C'est la part consacrée au climat dans les médias de 2010 à 2019.
Les connaissances scientifiques sont publiées dans un silence assourdissant !
C’est un travail de vulgarisation utile et de qualité car il est vraiment accessible mais il est également particulièrement bien sourcé. On y trouve aussi quelques clins d’œil que j’ai particulièrement apprécié : la Fresque du Climat (que j’ai enfin eu l’opportunité de faire le mois dernier !) dont les buts pédagogiques sont proches de cette lecture, mais aussi une référence à Scientifiques en Rébellion dont j’apprécie l’engagement pour encourager toutes les formes de résilience individuelle et collective. Bref, quel que soit votre niveau de prise de conscience, je vous encourage fortement à lire cet ouvrage, à le partager voire à l’offrir, et à l’utiliser pour alimenter vos réflexions et vos discussions.
Je vous laisse sur la citation qui conclue également la BD :
Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir. Albert Einstein