Le 13 novembre dernier m’a laissé sans mots, déconcerté et choqué. Et puis je suis tombé sur un texte magnifique écrit par Antoine Leiris. Le 13 novembre, Antoine a perdu sa femme et Mevil, 17 mois, le fils d’Antoine, a perdu sa maman. Mais Antoine n’a pas perdu ses mots et sa réaction m’a profondément marqué. Elle m’a inspiré. Elle m’a aussi rassuré : à un moment où j’avais l’impression que tant de gens tombaient dans le communautarisme, dans la peur de l’autre et dans le repli identitaire, où nos politiques ne ne proposaient que des réponses ultra-sécuritaires, bref où nous tombions tête baissée dans le piège que nous ont tendu les terroristes ce soir-là, Antoine Leiris gardait la tête froide, la tête haute. Pour ne pas leurs donner cette victoire, pour ne pas renoncer à ce que nous sommes, pour ne pas leur accorder notre haine.
Ce texte n’était qu’une introduction, une première étape. Aujourd’hui c’est un roman qu’Antoine Leiris nous offre. Un roman magnifique, mais qui m’a fait pleurer dans le métro. Il n’y parle toujours pas de vengeance et toujours pas de haine, mais beaucoup d’émotions. Un roman émouvant, voire bouleversant. Je suis admiratif de sa force et je ne peux que le remercier de nous en donner.
J’ai encore du mal à réaliser ce qui s’est passé ce soir-là. À réaliser, à comprendre, à accepter… mais ce qu’Antoine a vécu frôle l’indicible… et pourtant, il a su trouver les mots. Il a même sur en prêter à Melvil, pour une lettre à sa maman.
Maman,
Je t'écris ce mot pour te dire que je t'aime. Tu me manques. C'est papa qui m'aide parce que je suis un peu petit. Pour lui ne t'inquiète pas, je m'en occuperais bien. Je l'emmène en promenade, on joue aux petites voitures, on lit des histoires, on prends le bain ensemble et on fait beaucoup de câlins. C'est pas la même chose que quand t'étais là, mais ça va. Il me dit que tout ira bien, mais je vois bien qu'il est triste. Moi aussi je suis triste.
L'autre soir on regardait des photos de toi sur le téléphone. On écoutait ta chanson aussi. On a beaucoup pleuré. Papa m'a dit que tu ne pourrais plus revenir me voir. Il m'a dit aussi que maintenant nous étions une équipe tous les deux. Une équipe d'aventuriers. Ça m'a plu comme idée parce que papa me l'a dit avec un vrai sourire. Parce que ces derniers temps quand il me faisait un sourire, c'est comme s'il pleurait.
Papa m'a dit qu'on se débrouillerait et que quand ça n'ira pas, on penserait à toi parce que tu seras là, avec nous. Il a demandé à tous tes amis de m'écrire une lettre que je pourrais lire quand je serais grand. Il m'a dit que nous n'étions pas les seuls à t'avoir aimée, mais que personne ne t'avais aimé aussi fort que nous. Il m'a dit aussi que les enfants n'avais pas de souvenirs avant 3 ans mais que ces 17 mois passés avec toi feront de moi l'homme que je deviendrais.
Il y a eu beaucoup d'agitation autour de nous ces derniers temps. Je crois que c'est un peu à cause de papa, mais il n'a pas fait exprès. Il y a des dames qui nous arrêtent dans la rue pour nous dire bonjour, le téléphone n'arrête pas de sonner et je reçois des cadeaux de gens que je connais même pas. Je lui dis que c'est pas grave, que tu nous as toujours aimé comme on était et que tu lui aurais pardonné tout ça.
Il faut que tu me pardonnes moi aussi parce que je n'ai pas pu venir aujourd'hui. Tu me connais, je n'aime pas trop quand il y a trop de grandes personnes. En plus papa m'a dit que c'était long et qu'il faisait froid. Mais papa m'a aussi promis qu'on viendrait te voir demain tous les deux.
Alors voilà, je t'embrasse très fort et j'ai très hâte de te voir demain, après-demain, et tous les jours suivants. Tu me manques, maman. Je t'aime.
Melvil
Merci Antoine, du fonds du cœur, merci.
À la fin, c’est la vie qui gagne.
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