Un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) exigeant mais passionnant
Alors qu’il était plongé dans un sommeil pressenti comme éternel, Tod Friendly réintègre le monde des vivants pour revivre chaque moment de son existence. Mais son existence n’est pas racontée par Tod, ou du moins, pas directement : le narrateur est comme coincé dans le corps de Tod (s’il est Tod, il ne l’assume pas même si, plus loin dans le roman, il passera du “je/il” au “nous” qui inclut le narrateur et Tod).
Le narrateur revit donc la vie de Tod, mais à l’envers. Sans points de comparaisons, rien, ou presque, ne le choque… Oh, il y a bien quelques anomalies qui l’étonnent tout de même : les relations amoureuses qui commencent généralement par de grandes disputes, les médecins qui semblent payés à blesser les gens ou à les rendre malades, les échanges monétaires dont la logique lui échappe…
J'ai déjà remarqué bien sûr que la plupart des conversations seraient beaucoup plus compréhensibles si on les repassait à l'envers.
Au fil du roman, on plonge donc dans la vie de Tod Friendly et on découvre la vie d’un homme aux multiples visages (et aux multiples noms) dont les secrets pressenties se révèlent peu à peu au lecteur.
J’avais un peu peur, en commençant ce roman roman qu’il ne s’agisse que d’un exercice de style mais cet artifice littéraire est vraiment brillant. On se laisse rapidement porter par l’histoire, les situations inversées tournent rapidement au burlesque et on se prends à s’exercer à cette gymnastique mentale nécessaire si on ne veut pas relire les chapitres à l’envers (à l’envers de l’envers, j’entends… pour les remettre à l’endroit quoi).
Nous venions de bousiller deux adolescents. Leurs mères les avaient amenés. Elles s’étaient immédiatement enfuies quand nous nous étions mis au travail, elles avaient juste eu le temps de nous voir méthodiquement défaire le bandes imbibées de sang. Nous avons enlevé les points de suture et couvert les garçons de sang. Je me souviens que Witney a habilement fiché une flèche d’arbalète dans la tête de l’un des garçons tandis que j’enfonçais des tessons de verre brun dans les cheveux de l’autre.
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